Huile de colza

Présent sur la quasi-totalité du territoire français, le colza (Brassica napus L.) possède bien d’autres atouts que le célèbre jaune de ses fleurs. Riches en huile et en protéines végétales, ses graines font l’objet d’utilisations très diverses : alimentation pour les hommes comme pour les animaux, chimie végétale et source d’énergie renouvelable.

LES ORIGINES DU COLZA

Le colza est issu d’un croisement naturel ancien du chou et de la navette. La plante a d’abord été cultivée en Chine durant l’Antiquité avant d’être introduite au XVIIIème siècle en Europe et notamment en Scandinavie, Flandres et Allemagne.

Du nom latin de « Brassica napus L. », le colza appartient à la famille des Brassicacées (anciennement appelées crucifères), comme par exemple la moutarde. Un nom de famille qui s’explique par une raison simple : la corolle de ses fleurs est constituée de quatre pétales disposés en croix.

L’HISTOIRE D’UNE FLORAISON

L’évolution de la consommation des corps gras au cours des trente dernières années, celles des choix, des préférences et des rejets des consommateurs vis-à-vis de telle ou telle matière première, accompagnent étroitement l’actualité scientifique et médiatique des lipides alimentaires,
particulièrement en France. Les péripéties de la consommation de l’huile de colza illustre bien ce phénomène (voir figure 1).
L’extension de la culture du colza n’a réellement commencé qu’au début XIXe siècle dans le nord de la France. Néanmoins en dehors de consommations traditionnelles et plus ou moins régionales, ce
sont les huiles d’olive et d’arachide qui ont longtemps assuré l’essentiel des approvisionnements en huile végétale alimentaire. D’autant plus que les caractéristiques d’odeur et de couleur de l’huile de colza brute la destinaient peu à ce type d’usage. Il a fallu attendre le progrès des techniques de transformation industrielle pour que l’alimentation humaine puisse représenter un débouché significatif pour le colza. La culture du colza s’est développée après la seconde guerre mondiale en
réaction au déficit d’approvisionnement en arachide lié à la décolonisation. L’embargo américain sur le soja décrété par les États-Unis en 1973, a fait ressentir vivement la fragilité d’un système où les approvisionnements en matières premières – en l’occurrence dans ce cas à destination de l’élevage – dépendent presque exclusivement de l’importation. Les tourteaux de colza et tournesol sont apparus alors comme une réponse possible à ce problème et ces cultures ont commencé à bénéficier d’aides à la production françaises puis communautaires.
En conséquence, les surfaces cultivées n’ont cessé de croître à partir des années 60 et jusqu’à la fin des années 90. Au début des années 70, en contradiction avec le succès de la culture du colza, un débat sur l’innocuité de l’acide érucique, alors acide gras majoritaire du colza, provoque le déclin de sa consommation alimentaire en France. Bien qu’aucune preuve scientifique ne soit venue corroborer les assertions faites sur les conséquences de la consommation chronique d’acide érucique
chez l’Homme [1], un décret français (n° 78-840 du 9 août 1978) fixe finalement à 5 % le taux maximal d’acide érucique toléré dans une huile alimentaire, en transposition de la directive communautaire du 20 juillet 1976 (76/621/CE). Des oléagineux riches en acide érucique (colza
érucique, navette, moutarde) ont été longtemps cultivés et consommés, et le sont parfois encore, dans des pays tels que l’Inde ou la Chine. Le colza érucique a été consommé plus longtemps dans les
pays d’Europe de l’Est que dans les pays de l’Union Européenne à 15, sans pour autant qu’apparaissent des problèmes de santé publique liés à cette consommation. Une étude récente conduite en Inde montre d’ailleurs qu’un régime alimentaire équilibré et riche en acide alphalinolénique apporté en partie par des graines de moutarde permet de prévenir l’incidence
d’évènements cardiaques, et ce malgré le contenu élevé des graines de moutarde en acide érucique (20-50 % des acides gras selon les variétés) [2].
La variabilité génétique du colza a permis la sélection puis la culture de variétés à faible teneur en acide érucique, en réponse à ce critère réglementaire. Au cours des années 70-80, la culture de ces
variétés de colza dites « 0 », puis « 00 » (en référence à l’optimisation de la qualité des tourteaux pour l’alimentation animale) se met en place progressivement et les surfaces cultivées continuent de
croître. La composition de l’huile issue de ces variétés diffère complètement de l’huile du colza « érucique » et possède les caractéristiques du colza que nous connaissons aujourd’hui ; la réglementation française lui impose d’ailleurs par le décret du 9 août 1978 l’appellation « nouvelle
huile de colza ». En dépit de ces changements, pendant vingt ans l’huile de colza peine à retrouver la faveur du consommateur français. Un décret publié au début des années 70 (12 février 1973 n° 73- 139) et imposant à toute huile qui contient plus de 2 % d’acide alphalinolénique la mention « huile pour assaisonnement » sur l’étiquetage, constitue une gêne supplémentaire au développement de la « nouvelle huile de colza ». Et pourtant aucun caractère nocif de l’huile de colza chauffée dans des
conditions normales n’a été démontré [3]. Huile monoinsaturée, son comportement lors d’un chauffage modéré ne diffère pas de celui des autres huiles [4]. En réalité, une enquête menée à la fin des années 1980 par l’INRA de Dijon sur les pratiques des ménages français en matière de friture
avait montré que l’influence de la nature de l’huile semble négligeable lorsque les soins nécessaires sont apportés au bain de friture [5, 6]. Durant les années 70-80, le développement de l’utilisation alimentaire des huiles végétales et le succès des margarines sont soutenus par les démonstrations
scientifiques du rôle des acides gras polyinsaturés sur le métabolisme des lipides en opposition aux effets des acides gras saturés ; le mieux connu et le plus représenté des acides gras polyinsaturés dans l’alimentation étant alors l’acide linoléique.
L’acide alphalinolénique ne suscitera l’intérêt de la communauté scientifique et médicale que très progressivement au cours des années 90, bien que la mise en évidence de son caractère indispensable ait été faite dès le début des années 80 [7]. L’acide oléique, auparavant considéré comme neutre, acquiert également au cours de cette même période le statut d’acide gras d’intérêt alimentaire, lorsqu’est démontrée son action sur le métabolisme des lipides.
Les acquis scientifiques démonstratifs de l’importance d’un apport lipidique varié et équilibré auraient dû, dès les années 90, placer l’huile de colza en tête de liste des corps gras dont il faut augmenter la consommation. En effet, si nos apports en acide linoléique sont satisfaisants et assez aisés à atteindre, en revanche l’alimentation moyenne comprend peu d’acide alphalinolénique, dont les sources alimentaires significatives ne sont pas nombreuses [8]. Tout à la fois majoritairement oléique et source d’acides gras indispensables, l’huile de colza pouvait déjà, logiquement, apparaître comme une huile d’avenir [9].
Paradoxalement, ce ne sont pas ses caractéristiques de composition mais le prix relativement bas de cette huile qui ont jusqu’à il y a peu de temps encore constitué le moteur principal de son développement. Les ventes en distribution « hard discount » représentaient en 2002 la moitié du
marché de l’huile de colza en tant qu’huile de table grand public. Dans le secteur de la restauration hors domicile elle trouve tout naturellement sa place, d’avantage du fait de son prix modeste que de ses qualités nutritionnelles, alors même que ces dernières devraient dominer parmi les critères de choix. La restauration des hôpitaux est un bon exemple de cette contradiction. Longtemps la plupart des usages de l’huile de colza par les IAA ne répondaient aussi qu’à ce critère économique : margarinerie, biscuiterie/pâtisserie, conserverie, etc. L’huile de colza a souvent été, et était encore récemment, une matière première non valorisée et un apporteur anonyme d’acides gras indispensables.
Autre paradoxe : depuis une dizaine d’années, c’est la consommation indirecte d’huile de colza sous la forme de produits élaborés par l’industrie alimentaire et qui revendiquent des vertus nutritionnelles qui sont les plus valorisantes pour son image. Elle y est utilisée en tant que source
d’acides gras essentiels en formulation de mélanges d’huiles (huiles combinées) ou de margarines et de pâtes à tartiner équilibrés. L’intégration d’huile de colza comme source d’acide oléique et d’acide alphalinolénique, et sa bonne complémentarité avec les huiles de tournesol [10], a permis en effet la diversification de ce type d’usage. Le colza est apparu naturellement comme une solution de bon rapport qualité/prix pour adapter la composition de ces produits aux recommandations nutritionnelles.
Conséquence directe de cette discrète évolution, le consommateur se familiarise peu à peu avec une huile encore tant décriée il y a dix ou quinze ans. Ainsi, même si les achats d’huile colza sous la forme
d’huile de table en grandes et moyennes surfaces restent assez bas, on peut s’attendre à une nouvelle dynamique de sa consommation. Le signe précurseur en est la mise sur le marché d’une nouvelle marque d’huile de colza, évènement que n’avaient pas connu les dix dernières années.
L’amélioration de sa notoriété, sensible dès 2003, devrait encore s’accélérer du fait du soutien marketing nécessaire à un tel lancement et entraîner une réhabilitation. En retour les utilisations du colza par les industries alimentaires ne pourront alors que bénéficier de cet entraînement. Le couple colza/tournesol qui apporte les deux acides gras essentiels apparaît comme une solution non seulement sûre (en terme de sécurité d’approvisionnement, de caractéristiques organoleptiques et de composition) mais aussi, et c’est indispensable, dotée de la souplesse nécessaire à l’ajustement économique et nutritionnel des formulations pour les entreprises agro-alimentaires qui souhaitent intégrer la dimension nutritionnelle à leurs productions.

HUILE ET TOURTEAUX… UNE GRAINE AUX NOMBREUX BIENFAITS

L’huile de colza est une source naturelle importante d’acides gras insaturés, ce qui en fait un aliment très bénéfique à l’équilibre alimentaire. Elle joue par ailleurs un rôle très important dans la chimie verte et dans la création d’énergie renouvelable. Le chiffre est éloquent : plus de la moitié de la production française d’huile de colza est aujourd’hui transformée en biodiesel.

PRODUCTION ET CONSOMMATION DE COLZA (EN FRANCE ET DANS LE MONDE)

Ces différents atouts ont fait la popularité du colza à travers le monde.

En Union européenne, pour tous les usages confondus, ce sont 9.5 millions de tonnes d’huile de colza qui ont été consommés en 2013 – soit 30% des huiles végétales utilisées au total en Europe(Source : Oil World 2013). Dans le monde, 25 millions de tonnes d’huiles de colza sont consommés chaque année. Les Chinois en sont les 2èmes plus importants consommateurs après les Européens, avec un total de 6.5 millions de tonnes.

L’évolution des politiques agricoles aussi bien que les acquis scientifiques ont fortement influencé les conditions d’approvisionnement en graines oléagineuses en France. A la faveur de ces évolutions, le colza, culture déjà bien adaptée aux conditions pédo-climatiques et produite traditionnellement, se développe fortement au cours des trois dernières décennies du XXe siècle. En revanche la consommation alimentaire n’a pas répondu à ce succès de la culture puisque le doute sur l’innocuité de l’acide érucique l’a fait chuter, tandis que la réglementation sur son étiquetage a fortement gêné son développement, en dépit du potentiel représenté par ses qualités nutritionnelles. On assiste aujourd’hui à une revalorisation de l’image alimentaire de l’huile de colza en France, après la prise de conscience de l’importance de l’équilibre alimentaire en acides gras indispensables. L’huile de colza apparaît aujourd’hui non plus seulement comme une bonne huile alimentaire économique, mais comme un moyen d’améliorer la composition lipidique via la consommation des ménages, mais aussi au travers des repas pris en dehors du domicile ou encore des produits de l’industrie alimentaire.

Sources :
Terres Univia
http://www.terresunivia.fr/cultures-utilisation/les-especes-cultivees/colza
Revue OCL
https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/abs/2004/02/ocl2004112p150/ocl2004112p150.html